CONCOURS DE POESIE « MATIAH ECKHARD »
- édition 2015 -
Mentions spéciales "étudiants"
UN MORCEAU D'ENFANCE
La cité d'une enfance lointaine,
D'où naissaient les tours mondaines
Les murs blancs d'un labyrinthe,
L'impression de s'engouffrer
Dans un ailleurs oublié.
Une façade aux larges hanches;
Ornée de griffes bariolées,
Couleurs chaudes et barbouillées,
Ternies par le temps, la pierre blanche.
Un immeuble blanc,
Aux fenêtres oranges et vertes,
Serti de paraboles trafiquées ;
Gueule béante des balcons
Crachant le linge de maison,
Des têtes jaillissant de l'orée,
Des carapaces la peau fripée.
Des pieds et des mains, L'écorce des troncs griffée,
Des arbres alignés au lointain,
Qui, pesants, s'étaient inclinés,
Sommant de les grimper,
Montures enracinées dans la terre,
Dragons de bois figés,
Aux peaux craquelées.
Sous les racines noueuses,
Une pente d'herbe courbée
Au bas, des cartons usés,
Mêlés à la terre calleuse.
Une cours de récréation,
En trois niveaux reliés
Par des escaliers de pierre,
Ornée d'une rangée d'arbres aux feuilles ocres,
Allée de cyprès rouges,
D'où surgit des débris d'enfance.
Mehdi Saoudi,
L’aube des jours anciens
Poésie pour la mère
Mère,
t’as vieilli par les pensées
la main qui grelotte
la nuit qui n’est plus réconfort.
Mère,
combien de mots manqués
combien dits mal
qui me blessent et me tourmentent.
Ah, si on puisse revenir en arrière
j’irai te répéter
quel belle personne tu es
et quelle bonne image j’ai de toi.
Femme forte,
d’une force faible
mais toujours présente.
Combien de temps à attendre
cette caresse qui n’arrivait pas
cette page qui n’était pas lue
et l’oreiller humide
que toujours je laissait.
Mère,
tu n’étais pas seule,
tu ne l’as jamais été,
mais toi, tu ne me voyais pas
et papa criait
et toi tu ne voyais pas
que j’étais là, les pieds bien fermes.
Cependant toi,
aveugle,
les yeux dans le coeur,
tu me disais paroles d’amour
qu’amour n’était jamais
et moi, je me gelais.
Tu seras toujours mon centre
toujours je te trouverais
mais maintenant il est trop tard
je dois m’en aller,
le voyage est long et mes jambes ne peuvent pas attendre.
Je dois partir, je veux partir.
Je garderai toujours mes pas
pour te remercier,
Mère.
Francesco Ruggiero,
Université Paul Valéry
CONCOURS DE POESIE « MATIAH ECKHARD »
- édition 2015 -
Mention spéciale « Lycéens »
Mon nostalgique et aérien voyage
Les jambes croisées, les bras sur le dossier, les yeux écarquillés, je regarde.
Devant moi, des couleurs par milliers se déambulent, du rose en petite dose sur les robes des petites filles, du vert sur les polos des plus grands garçons, du rouge sur les genoux, du translucide déferlant sur les joues.
Assise sur un banc, celui qui a rencontré tant de gens, entendu tant d'histoires, en en faisant vivre tellement d'autres, je regarde.
Me rappelant de ce temps révolu, où mes petites mimines ramassaient tout sur leur passage, de la feuille à l'insecte, sans oublier le papier rempli de mots illisibles. Je me souviens de cette période où tout était trésor, tout était futile et furtif, surtout les copains.
Petite, vêtue de robes en tout genre, les coudes et genoux imbibés de mercurochrome et parsemés de bleus, je courrais. Je courrais à ne plus savoir m'arrêter, à la manière d'une feuille légère, que le vent emporterait. Je n'avais pas peur, pas encore.
Aventurière, sorcière, sirène, caissière, dauphin, agent secret, grande sœur, maman, maîtresse, fée, équilibriste, je pouvais tout incarner. Je pouvait faire semblant d'être une autre personne, de jouer à une autre vie, de me transformer en celle que je n'aurais jamais été.
Encore enfant, je me projetais dans cette vie d'adulte à laquelle j'aspirais tant, que je jalousais à mes parents, qui me paraissait un jeu d'enfant.
Puis, le temps s'est introduit dans ma taille, m'a rendu grande et m'a donné des
formes. Doucement il s'est déposé au cœur de mon âme, l'a rendu critique, sensible, anticonformiste, attentive. Onctueusement il s'est reposé sur mon visage, l'a affiné, l'a fait bourgeonner ensuite lisser pour enfin le rider. Le temps a ramassé mes rêves, en a construit de nouveau.
De mon corps s'était écoulé le commencement de ma vie de femme, une vie qui ne rime pas avec répit. Mon corps a su me procurer des plaisirs, des douleurs, il m'a donné le sourire, les larmes.
Je m'en suis servi pour attirer l'autre, pour me fuir, pour danser et faire rire.
Mon corps a donné la vie. Sans nul doute, le plus beau jour de la mienne.
Comme les animaux, nous naissons pour procréer, mais nous vivons pour manger. Ce dernier est fondamental, je vis et vivais pour manger.
Je me rappelle de sa rondeur aux milles senteurs, qui m'exaltait et m'emmenait là où nul n'avait été. Sa douceur aux milles couleurs, qui me nourrissait et me transportait dans des contrées éloignées.Et puis son teint aux milles déclinaisons, qui m'enchantait et me berçait dans mes songes déchaînés. Mais c'est son goût aux milles sensations, qui me fascinait et me délectait quand dans ma bouche ils se déposaient.
Cette ivresse indescriptible qui m'emportait, comme une symphonie me transportait, lorsqu'au creux de mes mains ce grain de raisin se reposait avant de n'y déposer un léger sirop rose, dont la dose supposait un futur vin divin que j'aurais déguster sous un pommier en m'évadant au gré du chaleureux vent d'été... J'ai vécu pour manger, la nature m'a permit d'assouvir mes désirs, de grandir et elle m'a permit de croquer la vie. A pleines dents.
A l'adolescence, quand on se cherche, quand on ne sais pas ce qu'on veut faire plus tard, quand le monde des responsabilités nous paraît à des années lumière, on écrit. Une pêche à la main gauche, un stylo à l'autre, on écrit. On écrit nos soucis, nos souvenirs, notre journée, nos chagrins et les nouveaux potins, ces derniers finissent par être effacés. Adolescente, je prenais mon vélo, musique aux oreilles, carnet et stylos dans le panier et je m'en allais. Je cherchais le coin idéal qui pouvait nourrir mes rimes, qui enrichissait mes vers et qui faisait éblouir mes poèmes. Éperdument, je cherchais. Mes courts cheveux disgracieux volaient à travers la brise de l'été. Tout en pédalant, j'admirais le paysage qui m'entourait, ces fleurs qui dansaient à perte de vue, ces vignes alignées au millimètre, le bitume qui laissait apercevoir des flaques floues au loin, et ce ciel bleu qui me faisait se sentir microbe par rapport à l'immensité de l'univers.
Un jour, ce coin parfait je l'ai trouvé. Non loin de chez moi. Niché entre vignes et rivière, une maisonnette abandonnée faite de brique répondait à mes attentes aussi grandes fussent elles. Mon coin m'attendait. Ici, j'écrivais, décrivais, relatais, dessinais et parfois même photographiais. C'était là-bas que je pleurais, là-bas où je me reposais, là-bas où je m’enfuyais, là-bas que je rêvais d'amener et d'embrasser mon futur amoureux. C'est là-bas que mes cendres se déposeront, là, elles s'envoleront, et au gré du courant elles parcourront ce vaste monde que j'aurais tant voulu visiter.
Sur ce banc, c'est ma vie qui défile. Sur mon visage, ce sont mes rides qui parlent. Et là-bas, parmi ces petits êtres frêles et fougueux, ma petite-fille. Un jour, elle sera à ma place, et se rappellera de moi, de son passé. Et puis de sa vie qui va, elle aussi, passer et se tasser. Ce ne sera pas de la mélancolie, mais de la nostalgie.
Car moi, je ne regrette rien, et c'est apaisée que je m'en irais, comme cette fleur fanée que ma petite-fille m'a délicatement demandé de garder, comme un secret préservé jusqu'à ce que survienne l'oubli. C'est bien ainsi que je partirais.
Orane Cortès, Mon nostalgique et aérien voyage,
Lycée René Gosse, Clermont L’Hérault
L’invisible
Le ciel bleu se teintait d’une couleur malheureuse
La vie se figeait sous la froideur des nuages
Leur blancheur s’imprégnait d’une chaleur vénéneuse
Et leurs formes se gonflaient d’une odeur de carnage.
Le ciel pleurait la vie et nous pauvres humains
Nous passions sans rien voir et nous croyions savoir
Que la mort est passée, notre vie est demain
Tel est notre fardeau, nous vivons sans rien voir.
La mer berçait la vie qui, tel un innocent,
Pleurait la gorge sèche ses genoux écorchés
Dont les plaies sales, béantes, allaient en se fermant
Former des cicatrices pour toujours incrustées,
Dans la chair pale et grise de notre destiné.
Entends bien ces paroles et choisis bien ta paix.
Camille Géraud,
Lycée L. Feuillage, Lunel
La guérison par la maladie
Elle passe la main dans ses cheveux
Plus rien.
Elle se regarde dans les yeux
En vain.
Le regard baissé; Ses mains croisées
Elle rempli le miroir
Mais est apeurée,
De Lever le regard
Sa forte corpulence
Durant son enfance
Attirait les moqueries
Elle part, en raillant, la vie
Le miroir est là,
Le corps disparaît
Le mental s'en va
La mort apparaît
L'image change,
Et plus jamais,
Comme dans sa tendre enfance
On ne se moquerait
De cette graisse
De ces cheveux
Qui la laissent,
Et qui s'en vont heureux
Dans le miroir; le vide
Elle s'en va; elle esquive
Elle ne peut plus se voir
Dans ce foutu miroir
Jamais dans sa vie, elle ne ressemblerait
À toutes ces jolies filles
Que l'on voit à la télé
Mais elle s'en fout, elle brille
Les moqueries reviennent
À l'école, elles flottent
Les moqueries se taisent
À l'école, on chuchote
Elle est au milieu, titubant
Les gens la regardent
"Qu'est-ce que cet enfant;
Attention! Prenez garde! "
Les gens ont peur de la maladie
Certain même on de la compassion
Mais pour elle ce sont tous des cons
Elle pleure, elle rit, elle les envie
Elle n'en veut plus de cette compassion
Et difficilement, se lève crie:
"Vous êtes tous laids, tous cons !"
Elle cour, cour, cour en Criant de joie
En tombant à genoux
Elle promis que sa vie
Malgré tout
Resterait celle-ci
Certains s'éloignent;
Certains sourient
Les acteurs de sa vie
Du néant, la gardent
Elle revient peu à peu; la vie
Mais maintenant elle est là
Elle sourit, elle écrit, vous voit
Elle vous remercie.
Léa Genetet,
Institut d’Alzon, Nîmes
Louanges à ma Prison.
Et encore elle se perd dans un pull bien trop grand
Elle se camoufle, s'isole, loin du regard des gens.
Son cœur regorge de peines,
Souvenirs et douleurs ;
Elle titube sous la haine,
La rancœur et l'horreur.
Soit disant « libre », en fait,
Ça n'est qu'une illusion :
Elle se perd dans sa tête
Elle en perd la raison,
Elle se perd dans ce corps,
Trop grand et inutile
Et elle s'égare encore
En sentiments futiles.
Ses souvenirs trop sombres,
Ses plaies encor béantes,
Petite fille sombre
Dans l'horreur qui la hante.
Au fond elle est perdue,
Rien de plus, rien de moins,
Lentement elle se tue,
Errante, mourant sans fin.
Chaque jour est un supplice
Qu'elle subit sans ciller.
Elle chut dans les abysses
Rêvant de s'envoler.
Elle est perdue, vois-tu ?
Dans son corps, dans sa tête,
Dans ses idées obtus
Et l'herbe qu'elle achète,
Dans ses habits moulants,
Dans ce monde égoïste,
Dans ses mauvais penchants
Et ses tourments d'artiste.
Elle s'égare dans cette vie,
Elle s'égare dans l'horreur,
L'addiction, les amis,
L'errance et la douleur.
Elle est libre, soit disant
Mais c'est un doux mirage,
Elle ne peut l’être vraiment.
Vestige d'une enfant sage.
Hors, notre société,
Bien qu'elle l'ait en slogan,
Nous prive de liberté
En chaque infime instant.
Société qui conforme,
Qui cherche à tout dompter,
Ses humains et ses normes,
Tout uniformiser.
Esprits à l'identique,
Sans once de différence,
Qui pourtant revendiquent
Leurs égos, leurs puissances.
On apprend bien trop tôt
A être un bon mouton,
Rester dans le troupeau,
Bercé de répression.
Beaucoup trop d'êtres humains
Encombrent la planète,
Beaucoup trop de pantins
Qui n'usent pas de leurs têtes.
Beaucoup et tous les mêmes,
Ils disent tous être uniques
Et pourtant tous ils sèment
La bêtise médiatique.
Trop de gens rient, pleurent, crient.
Trop sont naïfs et sots.
Trop sont privés d'esprit,
De culture, de cerveau.
Trop sont bien abrutis
Par l'écran, les médias,
L'état, les idioties.
Trop qui ne comprennent pas,
Trop qui se taisent ou mentent,
Reproduisent les erreurs,
Société horrifiante.
Un jour, changerons nous d'heure ?
Elles est perdue vois tu ?
Elle hais la société,
Sa liberté perdue
Ainsi que sa gaîté.
Elle se dope au bédo
Pour remplacer l'espoir.
Elle détruit son cerveau
Pour oublier le noir.
Elle bannit l'illusion,
Le plaisir, l'insouciance,
Au profit d'obsessions
Et de vives souffrances.
Elle est perdue d'avance.
C'est une âme déchue,
Vivant de déchéance,
De douleur et d'abus.
Elle se plaît dans l'horreur,
Le sang, la nuit, le noir,
Le néant, le malheur.
Enfant du désespoir...
Elle est passée maîtresse
Dans l'art de l'égarement ;
Elle y fait des prouesses,
Loin du regard des gens.
Elle a perdu la joie,
L'innocence, le bonheur;
S'égarant de maintes fois
Au milieu des humeurs.
Elle égara aussi
Ses instincts primitifs,
Le sens qu'avait la vie,
Perdue dans les récifs...
Elle a perdu le nord,
Égaré tous ses proches.
Elle perdit même son corps,
Dieu, ce que ce fut moche !
Elle a perdu l'espoir,
Elle a perdu la vie,
Pour elle tout était noir,
Elle n'avait plus envie.
Elle n'est pas dépressive,
Elle n'est que prisonnière
D'un monde aux douleurs vives.
Elle n'est pas suicidaire.
D'ailleurs c'est interdit,
On prive sa liberté
De mettre fin a sa vie,
Même pour se soulager...
Elle est perdue, tu sais ?
Puis elle est dérangée,
Elle a été privée
D 'une réelle liberté.
Elle a perdu, tu sais ?
Elle s'est faite emporter
Par ses sombres côtés,
Laissant le mal gagner.
Les jours, identiques, passent.
Elle survit patiemment
Jusqu'à ce qu'elle trépasse,
Emportant ses tourments.
Elle n'est pas fugitive,
Seulement réaliste.
Pourquoi faut-il qu'elle vive ?
Bien loin des utopistes,
Perdue dans ses tourments,
Elle danse, elle souffre, elle fume,
Elle rêve de changement
Et sa vie, elle consume.
Elle rappelle ses démons.
Elle leur dit qu'elle les aime,
Leur écrit des chansons,
Ou déclame des poèmes.
Savourant la part d'ombre
Qui prend place en son corps,
Tout calmement elle sombre
Dans les bras de la mort.
Evaline Julier,
Institut d'Alzon