Concours international de poésie 

« Matiah Eckhard» 2023

Mentions spéciales « Lycée »

 

L’écume sur la peau

 

Je me tiens debout devant une mer trop grande

aux vagues trop violentes

à l'eau trop profonde 

Le sable humide entre les orteils, je repense à ma vie

à la distance qui me sépare d'elle

Elle dévale une pente, je la vois partir mais je reste debout, immobile

à observer la distance qui grandit

Elle s'en va sans moi

loin

et ne revient pas

Ses pas s'effacent dans le sable et elle s'écarte un peu plus

 

Seule devant l'horizon qui se balance au rythme de la houle

je m'avance, un pas puis un autre

Je pénètre le chaos salé

Est-ce mes larmes ou l'eau de mer ?

Sans doute les deux qui se confondent

 

Alors je me laisse comme morte

flottant et coulant de manière irrégulière

Mes pensées s’annihilent parmi l'écume

Je regarde la ville

elle paraît si petite

si lointaine

mes soucis sont loin eux aussi, à ses côtés

Mais je sais qu'ils m'attendent, patients sur le sable

 

Entourée de l'océan qui me protège, je suis apaisée

mes paupières sont fermées mais s'ouvrent quelques fois pour contempler les nuages vagabonds

 

et les oiseaux aussi,

si haut, si inaccessibles 

si libres

Sans ombres pour les alourdir, 

ils voguent parmi le bleu du ciel 

et laissent quelques fois échapper un murmure de liberté

 

Je voudrais des ailes et un ciel rien que pour moi 

Sans nuages et sans soleil

juste du bleu à profiter

 

 

Sienna Brosseau

15 ans, Les Sables d’Olonne (85)

 


 

Coquelicot solitaire

 

Tu pousses là,

Seul parmi

Les mauvaises herbes et les orties,

Tranquille comme si rien n’avait d’importance pour toi.

 

Éclatant de ce rouge profond,

Tu te distingues de toutes ces fleurs bien rangées,

Identiques sans aucune originalité.

Tu es la lumière dans l’obscurité,

Tu es la folie dans la simplicité,

Tu donnes le ton.

 

Tu es un modèle de fougue, de passion,

Tu es une ode à l’acceptation

De soi,

De foi

En la vie

Même si l’on a des soucis.

 

Tu restes fier et ancré

De toutes tes racines dans la terre

En souriant à tes congénères

Et en continuant de profiter.

 

Profiter de ta vie avant qu’elle ne prenne fin

Car une main,

Innocente, en te cueillant,

En te déracinant,

Te feras mourir

Sans cependant souffrir.

 

Cette éphémérité,

Fais de toi tout ce que tu es,

Rendant ta beauté insaisissable

Et ton mystère inusable.

 

Margaux Robin

15 ans, Essey-et-Maizerais (54)

 


 

Le pianiste 

 

Ses doigts tapent les touches,

Irrégulièrement

D’un coup, s’arrêtent,

Prennent un instant,

Et la ballade recommence

Elle emplit les êtres, ferme des yeux

Des corps bougent sur leurs chaises,

Savourent

Le morceau qu’il joue,

Lui seul, sur scène.

Et tandis que retentissent notes et accords,

Ses mains dansent pour lui.

Elles valsent, montent et redescendent,

Tandis que son buste s’agrandit,

Droit,

Immobile.

 

Il est tendresse et espérance

Il est musique, il est silence

Et ce contraste qui l’anime

Donne à son profil une beauté 

Sublime

 

Un enfant regarde

Ce garçon artiste

Sa droiture, sa pudeur,

Sa majesté de pianiste.

C’est la première fois

Qu’un garçon lui fait cet effet-là.

Il paraît si vivant

Lui seul, sur scène !

Il a envoûté ses parents

Et tout le reste de la salle.

Mais l’enfant regarde, il ne sait pas,

Il n’écoute pas,

Il ne peut pas.

Pourtant la simple vue de ce garçon,

Donne à l’enfant une impression

De bonheur, d’une soudaine joie de l’âme,

De tristesse, de mélancolie et de larmes.

Le morceau, qu’il n’entend pas,

N’abandonne pas.

Il veut émouvoir le garçon

Qui ne perçoit pas les sons.

 

L’artiste danse, immobile,

Et les couleurs des projecteurs

Semblent trembler avec lui,

Frissonner à chaque répit

Comme si la scène, déjà, regrettait

De voir la fin du morceau se rapprocher.

 

Un homme dans la salle

Examine les mains du pianiste.

Il analyse, méthodiquement,

Pour se souvenir et reproduire

Sa spontanéité

Sa sincérité

Son identité

Et pour, au moins, essayer

De dénicher son secret.

L’homme joue lui aussi,

Mais il ne sait pas

Comment donner cet effet-là,

Comment traduire puissance et beauté

Par de simples notes jouées sur un clavier.

Il joue, lui aussi,

Mais pas de la même façon.

Ses mains ne dansent pas.

Il se demande pourquoi.

Même si le pianiste a la réponse, il ne la dira pas,

C’est le cœur qui danse à travers les doigts.

Et le morceau, provocateur,

Arrache à l’homme questionneur,

Des larmes qui viennent du fond du cœur.

 

Le faiseur de notes

Balaie l’assemblée d’un regard.

Il ralentit le tempo

Et fixe ses yeux pâle-océan

Sur l’homme et puis l’enfant.

Les notes s’étendent

Durent

Peut-être plus qu’il ne faudrait

Aucun morceau n’est parfait.

 

Le pianiste 

Voit

Les yeux embués de l’homme

L’enfant sourd d’admiration

Et les autres.

Les dernières notes résonnent dans la pièce

Elles se cognent aux murs pour revenir avec faiblesse

Toucher une dernière fois

Les sentiments de ceux qui ne jouent pas.

Le morceau regarde d’un air accusateur

Le pianiste.

Car eux seuls savent

Que ce n’est que la fin 

D’un couplet.

Le pianiste reprendra tout à l’heure.

Mais avant,

Il profite de l’instant.

Il est capitaine du navire

Et s’apprête à chavirer.

Aucun mot n’est assez beau

Pour guérir de tous les maux,

Mais par ses notes de piano

Il est plus sauveur que bourreau.

 

Alors l’assemblée pourra vous dire

Qu’elle a vu à ce moment là

Un éclair passer dans ses yeux

Et ses mains se lever, haut, si haut,

Que lorsqu’elles retombèrent

Les notes déferlèrent

Si vite

Que même le pianiste 

Fut ébahi,

Que chacun

Fut surpris.

 

Mais personne dans l’assemblée

Ne pourra vous raconter

Comment le morceau s’est terminé.

Le pianiste lui-même,

Ne se souvient pas

Des applaudissements, des éclats de voix.

Il n’ a que ce moment-là

Où il a joué,

Où ses notes ont touché

Tant de gens

En même temps.

 

Il ne l’a jamais rejoué, le morceau.

Il est bien trop unique, bien trop beau

Pour être joué une deuxième fois.

Il n’est qu’une suite de notes qui espère

S’ancrer dans les mémoires,

Sans pour autant

Devenir trop insistant.

Le morceau accompagne

Celui qui l’a écouté,

Celui qui l’a fredonné.

Peut-être le connaissez-vous.

N’avez-vous jamais entendu

Le chant du pianiste inconnu ?

 

 

Épilogue

 

« N’avez-vous jamais entendu

Le chant du pianiste inconnu ? »

 

Vous l’avez écouté

En lisant ces mots.

Vous avez créé votre morceau.

Pianiste ou non,

L’imaginaire vous fait Beethoven et Mozart,

Au gré de vos humeurs et de votre art.

Mais vous aurez beau lire et relire ce poème,

Le morceau du pianiste ne sera jamais le même.

Il reflète nos joies et nos peurs,

Nos misères et nos bonheurs.

À travers le morceau du pianiste

Votre cœur reflète vos envies d’artiste.

 

Jeanne Fontaine

15 ans, Lycée Jules Guesde de Montpellier

 


 

Impuissance

 

Tandis que le monde sombre dans le chaos.

Tandis que la Nature souffre de tous les maux.

Ils sont dans le déni, ne pensant à demain,

Bloqués dans les ténèbres telle une nuit sans fin.

 

Tandis que les Hommes se déchirent jusqu’au sang.

Tandis que les gens bons vivent ces temps impuissants.

Nous ne pouvons partir, perdus dans cette spirale,

Cette boucle infernale où la haine s’installe.

 

Et moi je vois tout ça et je ne peux rien faire,

Vois le monde brûler, devenir un enfer.

Priant avec espoir que Dieu vienne sur cette Terre

Pour soigner notre Mère, rongée par cet ulcère.

 

Pierre-Jean Thomas

18 ans, Lycée Ste Marie la Grand'Grange, Saint Chamond (42)

 


 

Memento Mori

Les instants s'évaporent,

Et le temps nous dévore.

 

Un soir, coincé dans l’antre de la mémoire,

Un soir, au gout amer de désespoir,

Je me rendis au chevet de l’innocence,

Repassant en boucle les cassettes de l’enfance.

 

En face, l’horloge, dans un rictus vaniteux,

Me regarda de son grand oeil vitreux

Et s’exclama : « Que crois-tu donc, ma belle enfant !

Pouvoir échapper aux griffes du temps ? ».

 

Et les fines aiguilles se mirent à trembler

Comme si elles étaient déréglées,

Sous le rire grossier de la porteuse de pendule,

Voyante et confidente du somnambule.

 

Une angoisse passa soudainement dans mon dos,

Froide comme l’air humide d’un caveau.

Touchant ma nuque, sa main glissa, perfide

Jusque dans le creux de ma gorge livide.

 

Ses doigts révélateurs s'insinuèrent sous ma peau.

Ô, les trois Moires, je vous vois ! Comme un écho,

Assises au fond de la pièce, vous tissez en murmurant.

Mais les ciseaux ne sont jamais loin de vos travaux médusant.

 

Du sable commença à tomber du plafond,

Glissant le long des murs de la maison.

Le sablier de la vie s’était brisé,

Et j’allais finir par manquer d’air, étouffée.

 

Si seulement le temps pouvait s’arrêter.

 

Car toujours les instants s'évaporent,

Et le temps sans clémence nous dévore.

 

Manon Dambricourt

17 ans, Lycée Ste Marie la Grand'Grange, Saint Chamond (42)

 


 

Vertige

 

Le monde est à mes pieds

Je le vois de haut

Je vois des étoiles filantes tomber

Qui nous invitent à les rencontrer

Un instant parmi les milliers déjà passés

Le temps de faire un souhait et laisser le noir nous envelopper

Avec vertige je regarde tant de stupidité 

La tête me tourne comme si j’étais alcoolisé 

 

Plus rien ne fait sens

J’attends que la plaie de mon ignorance se panse

Juste, qu’on m’explique 

Qu’on m’explique pourquoi cette larme a coulé

Pourquoi cette lame a coupé

Pourquoi le ton est monté comme une marée

J’en ai marre et, le pire est que je ne peux rien n’y faire

Dans leurs yeux j’y vois le feu ardent de Lucifer

Je préfère m’envoler et les laisser faire

 

Le temps s’étend

Tant pis, tandis qu’un dernier enthousiasme s’entend

Le vent emporte un autre sommeil sans épuisement

Des différents destructeurs

Qui dorment à pas d’heure

Écrasant cette rose ayant à peine fleurit

Qui ne verra plus jamais la rosée du matin

 

Le monde devient flou

Le monde devient fou

Et moi je suis ici

Mon esprit épris d’un vertige incontrôlable 

Devant ce monde à peine potable

Ça en devient à peine soutenable

Atlas a dû lâcher prise 

Parce que la mort nous a dans son emprise

Je voltige, le vertige augmente

Devant moi je vois juste une pente

Et vers l’Enfer on entame la descente

 

Je rêve d’un jour meilleur 

Ici ou ailleurs 

Je ne sais pas, et ça ne m’intéresse pas

Un endroit où le vertige ne guidera plus mes pas

Où cette rose ne sera plus un appât

Je rêve de cet endroit

Où cette rose sera en droit 

De faner avec le temps qu’il se doit

 

Francesco Di Riso

16 ans, Erevan (Arménie)

 


 

J'avais juste envie d'écrire

 

 

J’ai tout essayé.

Pour me sentir moins seule, j’ai simplement pensé

Qu’être entourée allait m’aider

Alors j’ai essayé 

 

J’ai expérimenté différents groupes de personnes n’ayant rien d’autre en commun que leur âge 

Tenter de trouver mon identité à travers la leur 

De la solitude, enfin tourner la page 

Abandonner ce sentiment, cette malédiction, toute cette douleur 

 

Essayer de me sentir normale, intégrée et comprise

Alors j’ai conversé avec les intellos, déjeuné avec les filles populaires,

Fumé avec les mauvais garçons et traîner avec les solitaires.

Essayer de trouver une normalité dans leur originalité 

 

Mais mon bilan n’a pas été celui que j’attendais.

Je ne me suis jamais sentie aussi différente qu’exposée à leurs différences

 

Ils n’étaient pas conventionnels

Ils avaient leurs particularités

Mais ils étaient au pluriel

J’étais différente au singulier. 

 

Je n’ai jamais compris le concept de la normalité

Et je n’ai jamais essayé de m’y conformer.

J’espérai seulement parvenir à les trouver

Ces amis fidèles dont on m’a toujours parler

 

Ces personnes de confiance, amusantes au sourire réconfortant

Qui m’apaiseraient juste par leur présence

Ces personnes qui m’apporteraient cette conviction inébranlable et puissante 

 

Que même si un jour je me sentais à nouveau seule pendant un temps

Inintéressante ou ennuyeuse,

A écrire des poèmes ringards,

Je ne le serai jamais vraiment 

Car ils existeraient quelque part 

 

Morgane Stengel

18 ans, Stiring-Wendel (57)

 


 

BOBIGNY

 

 

 

Ma ville est une banlieue 

Entouré d’étrangers ennuyeux 

Ya le bus 234 toujours serré le matin 

Ma ville est une banlieue 

Entouré d’étrangers ennuyeux 

Ya le bus 235 toujours serré le matin 

Et le chat de Chaima qui se balade à Baudin 

Je vais te parler de ses lumières éblouissantes

Comme des feux d’artifices qui chantent 

Y’a les vendeurs de Malboro à Pablo

Y’a les gens qui vont au boulot 

Dans ma ville les gens naissent plein d’espoir 

Mais grandissent dans la lumière du noir 

Y’a des voyous qui vont je ne sais où 

Et qui courent partout comme des fous 

Je te parle des acteurs à Mc93 

Qui jouent de la comédie française

Y’a les embouteillages à pont de Bondy et de la pollution 

Y’a les sportifs du stade Delaune qui puent la transpiration 

Ici, on est malpolis donc tant pis si tu te pleins 

Mais nous on est fière les Balbyniens

Quelle effervescence autour de moi 

Mais j’aime m’y trouver quelques fois 

Pour découvrir toutes les beautés 

De cet être vivant au secret caché

 

Alam Noman

18 ans, Lycée Suger de Saint Denis, Bobigny (93)

 


 

Un corps pour des cœurs

 

Je compte les kilos à nouveau ce matin

Moins nombreux hier, se rétractent mes poings

Si grande est la crainte, rien qu’un gramme de pain

L’image me contraint, à forcer mon dessein

 

De nouveau ce matin j’irai prendre mon train

La panse bruyante d’un dévorant besoin

Ce n’est rien qu’un combat, et sans aucun témoin

Je m’en irai vaincre et, triturer mon destin

 

Oui, pour un corps parfait, je perdrai la raison

D’Instagram à Twitter, je suis la tentation

Les regards pénétrant mes draps de comble en fond

Nulle autre solution, je veux plaire aux garçons

 

Sacrifier ma santé, pour un peu d’attention

Il me faut donc maigrir, entrer dans la prison

Des standards de beauté, délaisser ma maison

Plus tard je pleurerai, je demande pardon

 

Et je

Je prends mon téléphone

Encore je m’empoisonne

Alors

 

Me voilà aujourd’hui, publier sans succès

Flânant sur les réseaux, constatant mon rejet

Car sans un nu, non, qui aurait de l’intérêt

Pour mon feu qui s’éteint, chaque jour à regret

 

Mais jusqu’où

Jusqu’où puis-je aller juste pour être aimée ?

’il devient objet

Car pour ça, je

Torture sans relâche pour trouver ma place

Mon ventre, et mes cuisses, et mes seins, et ma face

Pareille aux filles, aux filtres je me tasse

Censurant mon esprit, étalant la surface

 

Pourtant

S’élève en moi la honte, quand je vois dans la glace

Mon corps si dénudé, ma dignité fugace

 

Animée par les fous, les seuls qui me veulent

Je dîne du dégoût que je procure seule

 

Quand

Les likes fusent lorsque les kilos fondent

Ma peau devient diffuse, je balaie les secondes

 

Mais

Ai-je le droit de continuer d’y croire ?

 

Au monde

Où je deviendrai celle qu’en vain l’on envie

 

Du soleil à la pluie, admirée des amies

L’outil vivant de toutes les photographies

 

Je serais enfin celle que jamais l’on n’oublie

 

Alors, je

J’y travaille en offrant mon âme à la quête

Mais je n’attire plus que des hommes qui m’inquiètent

Des méchants qui se prennent pour des stars d’internet

 

Ayant droit sur mon corps, et ma vie se répète

 

Plaisirs éphémères, compliments obsolètes

 

J’ai rangé le privé dans la foule secrète

De chiens ingrats en rogne qui sur ma lune halètent

Je ne veux les chasser, c’est ma propre défaite

 

Oui, ils n’y sont pour rien

Car finalement j’ai

J’ai choisi toutes choses, accepté l’inhumain

 

Ils en profitent alors

Les voilà, ils sont là

 

Ils voient mon corps si fin, et marqué par mes hanches

Mais ils ne savent pas, je les creuse par la faim

Ils voient mon maquillage, sur ma peau bien trop blanche

Non, ils ne savent pas, je n’ai pour moi de soin

 

C’est cela, ils le font

Un jour m’entendra-t-on ?

Tu verras, ils le font

 

Ils louent mes formes encore, je ne peux être franche

Non ils ne savent pas, je suis plus qu’un pantin

Ils louent ma chair toujours, et je tire sur mes manches

Ils ne savent pas que j’ai si peur de leurs mains

 

Mais jamais rien ne cesse

 

Les voilà qui appuient les courbures de mon corps

Et me voilà pesant les débris de mon sort

Ils ébranlent mon oui, sans m’offrir un remord

 

Encore je vends mon nom, et ils jouent de cet or

 

Ils sont voleurs d’un corps

Et tueurs de mon cœur

 

Je ruisselle en ce cas, rouge et bleu sans couleur

Mais

J’en demande encore

J’ai la tête embrumée, comment dompter mes torts ?

 

Car je

Crains plus les caméras

Que mon propre trépas

Un affront virtuel, et ma vie périra

 

J’y suis alors

J’y suis toujours

 

Enfermée dans l’écran, retenue par le faux

La pression de la gloire m’a rendue numéro

J’ignore ma famille, mes parents, mon cerveau

 

L’impression dérisoire d’être au-dessus des mots

 

Plus rien

Plus rien qui ne m’importe

Plus rien, mais les réseaux

 

Innovent les motifs, usés par mes bourreaux

Et mes pauvres parents, mes deux anciens héros

Ne peuvent rien y faire, subissent les échos

 

De ma voix insultante, n’écoutant que les cœurs

Sous mes photos si sales, si salies par l’erreur

Celle de n’être plus moi, de duper la pudeur

 

J’ai laissé mes parents, j’ai quitté mes sauveurs

Pour de rudes amants, j’ai béni mes douleurs

 

J’ai honte de mes choix, mais voilà tant de peurs

Qui hantent mon esprit, malgré toutes les mœurs

 

Au milieu des rumeurs, j’ai produit mon malheur

 

Et si j’abandonnais, croyez-vous qu’ils viendraient ?

 

Car je me sens si seule, entourée d’abonnés

Aucun soutien rendu, pour mon fessier donné

 

On dit que je suis bonne, ou juste une traînée

Me voilà qui frisonne, je connais leurs idées

 

Pourtant, moi

Oui pourtant je rêverais, d’autres réalités

Romantisme sans fin, ma propre société

Où mon prince adoré, peindrait tous les péchés

 

D’une vie sans piété, par les autres empiétée

 

Oui, l’amour

J’y crois comme un premier

Mon vrai premier amour

 

Alors nos mains

Nos mains béates au vent, je serai libérée

 

Du poids d’en perdre autant que les filles des soirées

Il caresserait mon cœur, sans arrière-pensées

Il comprendrait mes pleurs, sans peur d’être jugée

 

 

Et il serait l’idole, je serais l’amoureuse

Sans jauger ses atouts, rien qu’une âme rieuse

 

Oui, je désire juste

Revenir à la vie, redevenir rêveuse

 

Je sais

Je me cherche sans but, errant comme une envieuse

Au travers des réseaux, je suis vraiment hideuse

 

Alors je

Je

Et je prie et je lance des bouteilles à la mer

Dans l’espoir d’un demain où luirait chaque pierre

Et je tourne et retourne chaque brin d’univers

En cherchant une gloire qui m’attendrait sur terre

 

Cependant

Sans personne et sans moi, les honneurs sont plus chers

 

Je consens qu’il me manque d’apprécier l’ordinaire

Je consulte trop loin ce qu’il y a chez mes frères

 

Peut-être qu’un effort suffirait à parfaire

Les cases dénuées de ces joies qui diffèrent ?

 

Mais

La réalité m’appelle, et

 

Il est l’heure et j’envoie, mes vidéos muettes

Muettes de valeur, mais riches de partage

 

Du naturel au nu, oh quel affreux passage

Ah quel affreux naufrage

 

Du courage il me faut, voilà que je regrette

 

Car j’ai, de touche en touche, sillonné la planète

J’espère voyager autrement qu’en message

 

Le vrai bonheur m’attend, même si à l’usage

Que mon corps dans leurs yeux, sans cesse se reflète

Pour le moment je reste, le jouet de sauvages

Des hommes sans égards, je ne suis que l’image

 

Maintenant il me faut

Affronter les regards, sans être une vedette

Un jour je chanterai, inopiné mariage

 

Oui, bientôt, enfin, je continue d’y croire

Quelqu’un verra au fond de mon simple miroir

 

Bien plus que ça et même

Au-delà d’un poème

 

Oui, peut-être un visage

 

Peut-être mon visage

 

 

Lyam Jacquemettaz

17 ans, Monthey (Suisse)