Concours international de poésie
« Matiah Eckhard »
Premiers prix - édition 2023
Premier Prix « Université »
Douceur de femme
douce
je ne suis pas un sucre qui fond sous la pluie et
encore moins qui se fond dans la masse de ce gâteau-monde
il se peut même que ma douceur ait un goût de sel aux papilles expertes
sel d’un océan indompté aux vagues de feu bleu
propice au germinal des poissons-fleurs
ce genre de feu qui brûle et qui noie et qui ramène à la vie
je ne suis pas un sucre de canne ou de betterave
je suis un fragment de roc de la poussière d’étoile une larme
ou un grain de terre
loin de la rondeur en bouche d’un chocolat au lait
je suis un goût qui tranche
et qui pique
piment aztèque angle aigu zeste de citron vert
je suis la saveur cendrée des dernières braises dans la cheminée
ce goût qu’on ne s’imaginerait pas
et pourtant je suis là
loin de vos conceptions de la douceur
ou de ce qui est supposé avoir bon goût
je suis la courbe puissante de la rivière
la sensualité de la foudre qui frappe
un arôme aquatique et électrique
ne vous avisez pas de penser que ma douceur est attendue
qu’elle est plate et sage comme une crème à la vanille
je suis un sorbet aux épices
un dessert de résistance
— douceur de femme
Ophélie Sautron
24 ans, Sainte-Suzanne, Ile de la Réunion
Premier Prix « Lycée »
AU CŒUR DE LA TEMPÊTE
Dans ce déferlement de larmes,
Le bruit du tonnerre me désarme.
Je me noie dans les tréfonds du chaos,
L'anarchie des éléments éclipse les sanglots.
Derrière ces élans de lumière dans le ciel,
J'aperçois la promesse de l'éternel.
Le vent se déchaîne sur mon corps,
Son violent murmure sera mon essor.
Le rythme de mes pas s'accélère.
Je cours sous le chant du tonnerre.
Le crépitement de la pluie à mes côtés,
La peur laisse place à la trépidante liberté.
L'écho de mes pas sur l'asphalte gris corbeau,
Résonne tels une sérénade aux mille et un mot.
Aveuglée par le tumulte de la tempête,
Plus de victoires ni de défaites,
Je vois maintenant clair dans l'obscurité.
Le vent a balayé le chahut de mes pensées,
La pluie, nettoyé les plaies qui saignaient.
Derrière la tempête, je perçois la colère,
Mouvement incessant, attaque mortifère
Même le ciel pleure sa solitude parfois,
Évacue le flot de son cœur en émoi.
Personne n’échappe aux ravages du désarroi.
Cette rafale de vie qui vous transperce,
Cet esclandre du ciel qui vous berce,
Et ce fidèle compagnon dans la détresse.
La tempête est le refuge de l'insouciance.
Je commémore cette toute-puissance !
Clémentine Ondet,
16 ans, Lycée Notre Dame de Boulogne, Boulogne-Billancourt (92)
Premier Prix « Collège »
Un soir où l’on ne voyait pas la Lune
Un soir où l’on ne voyait pas la Lune, une nuit
Où l’on contemplait la campagne sombre,
Où l’on écoutait le silence profond,
Le souffle si sûr et serein de la Vie
De tout ce qui se tait
Une nuit où il n’y avait que le calme,
Disparus la bousculade vaine, le défilé
Des souvenirs immédiats,
Le réel du lendemain : hors de la pensée,
Du passé seule la touche nostalgique infime
De l’instant
O brise fraîche et discrète qui rappelle
L’invisible
Cette présence bienveillante et qui frappe
Et redit doucement la beauté de la Vie
Je regarde les étoiles
Je regarde les nuages brumeux
Qui les cachent
Je me dis
Que pour ces instants-là
D’une infinie grandeur
Moi, je veux vivre
Très loin, là-bas, à l’orée de ces bois
J’aperçois sur un banc deux jeunes qui se parlent
Ils ont l’air de s’aimer
Et se tiennent enlacés
Alors moi, je rêve
Est-ce cela aussi l’adolescence
Rêver
Je lève les yeux
Quelques oiseaux passent
Leurs ailes bruissent
Au coin d’une nuit sans lune
Toutes les épreuves
Disparues et lointaines
Instants indicibles
Où l’on sent
Que l’on n’est pas tout seul
Ici-bas
Qu’il y quelque chose
D’aimant
Nuit si belle
Caresse de la brise
Douceur de l’air
Oh le silence source de paix, de don
Tout est là
Je hume l’air de mon pays
De ma vie
Et referme ma fenêtre
Chut
Solène JUMENTIER
13 ans, 4ème au collège de Courset (62)