CONCOURS DE POESIE « MATIAH ECKHARD » 2019

 

Mentions spéciales « Lycée »

 

Quatre-vingt-dix ans

 

Elle a quatre-vingt-dix ans et des cheveux plus blancs que blancs. Elle porte un vieux chandail et un air figé. On dirait qu'elle attend. On dirait qu'elle attend quelque chose, toute seule, sur son banc. Elle est seule dans le brouillard de ses pensées, sa cane posée à côté d'elle comme un repère. Et on jurerait presque qu'elle écoute le silence. Comme une vieille rengaine tombée dans l'oubli. Une vieille chanson restée sur ses maigres lèvres. Et elle sourit, elle hoche la tête de gauche à droite, comme charmée par un air de musique. Ses yeux pétillent d'étincelles vides. Elle a un sourire figé sur le visage. Les yeux perdus dans le brouillard. Elle n'entend plus que cette musique de souvenirs. Et les accords coulent sur elle sans la troubler. Elle écoute la musique de ses souvenirs sans comprendre qu'il s'agit de son propre passé. Sa mémoire n'est plus qu'un vase vide, couvert d'un voile opaque et impénétrable. Et la musique s'emballe de plus belle. Mais rien, rien ne peut faire frémir ce voile tombé lentement sur la mémoire d'une vieille femme épuisée par la vie. Ses souvenirs se cachent, se terrent, se nichent dans les plis des rides de son bras. Et elle hoche la tête de gauche à droite, comme bercée par une chanson aérienne. Mais il n'y a que le silence qui lui répond. Il n'y a plus que le silence désormais.

 

Bérénice Peretti-Watel, 18 ans,

Aubais (30), France

 

 

 

 

 

 

No llores nena (Ne pleure pas chérie)

 

On parle souvent de l’amour d’une mère

Mais on ne parle pas assez de l’enfant.

On ne parle pas non plus de l’absence de maman

Et encore moins des souffrances amères.

 

On parle beaucoup de nos souvenirs

Racontés maintes et maintes fois.

Mais on évite les sentiments présents

Comme s’ils pouvaient nous nuire

Ou nous tuer de sang-froid.

 

Une mère n’est pas là pour la vie

Mais notre mère est notre vie.

Depuis l’enfance on partage tout avec elle

Les bonnes choses et les moins belles.

 

Alors quand elle part

Qu’elle nous abandonne

Notre cœur se transforme en épave.

 

Quand on se trouve séparées

Par les points cardinaux

Et simplement reliées

Par des vielles photos

Pâles, rayées et grisées

 

On se rend compte qu’on ne s’habitue pas.

On s’habituera probablement jamais.

 

On s’aperçoit aussi que c’est compliqué

D’aimer une personne qu’on déteste.

Parce qu’elle est partie, parce qu’elle n’est plus là.

 

Parce qu’elle a loupé notre anniversaire

Ou parce qu’elle est partie la veille.

Parce qu’elle n’était pas là quand on avait besoin d’elle.

Parce que même avec des sœurs fidèles

On ressent son absence faire la guerre

A notre esprit défaillant, avide de merveilles.

 

L’abeille dépend de sa fleur

Comme l’enfant dépend de sa mère.

Lorsque la fleur fane et se meurt

Le jardin de l’abeille devient enfer.

 

Jodie Rey, 16 ans,

Pézénas (34), France

 

 

 

 

 

 

L’ivresse de nos nuits

 

Le jour ignore ce que la nuit adore,

Lorsque la lune sort l’âme quitte son corps,

Nous laissant à la merci de notre esprit,

Bien souvent démunie, face à un monde infini.

 

Un crépuscule ardent,

Un soir glacial,

Une nuit sans bruit,

Laisse place à la mélancolie.

 

Le regard vide,

Les pensées fusent.

Un ciel noir, noir comme ce chat,

Perdu dans ses pas, 

 

Je l’envie ce chat,

Il se moque de tout,

Il grimpe sur ce rebord de fer,

Le même qui m’a recueilli durant tant d’années.

Moi, mes écrits, mes problèmes, mes histoires d’enfants.

 

Les années s’effacent, le temps nous terrasse.

Nous savons que la faucheuse nous attend à chaque tournant,

Mais ça ne nous affecte pas temps, on fait avec son temps.

 

Les minutes passent,

Le temps s’écoule,

La lune s’écroule.

 

Le ciel prend une teinte orangé, rougeâtre.

La ville s’éveille,

Des centaines de lumière jaillissent de part et d’autre de la ville.

De l’ombre à la lumière.

 

Mon âme me revient,

Me heurtant violemment,

Je la laisse me pousser,

Me faisant tomber du haut de ce pont.

 

À trop s’aimer on s’est blessé.

je t’aimais à me tuer, mélancolie

 

Sabrina SOLBES, 15 ans,

Lycée Louis Feuillade, Lunel (34)

 

 

 

My Healing

 

...Un,

…Deux,

…Trois,

 

…Tu l'entends.

 

Les lumières de la ville viennent de s'allumer,

Tu réalises que ce que ce soir c'est enfin fini.

 

Le froid s'est en allé ailleurs et a emporté avec lui tous tes pleurs,

Tu ne portes plus de manteaux, plus de bourreaux,

Tout est terminé, car dans ton cœur et dans cette ville c'est désormais l'été,

Il n'y a plus aucune chanson qui s'écoule dans tes écouteurs, car c'est enfin l'Heure.

 

Il n'y a plus de cris, plus de pleurs,

C'est ce soir que la plus belle des chansons s'écoule.

Tu portes ta maison roulante composée de vêtements et de précieux objets dont tu ne veux jamais te séparer dans ta main droite,

Et tu dévales,

Tu te laisses aller,

Porter,

Par la douceur de cette brise de ce premier soir d'été…

 

Ta nouvelle robe blanche flotte, chante et danse avec toi dans ton nouvel élan,

Un élan que tu n'avais jamais pris auparavant,

Tes cheveux dans les airs et dans ta course, suivent ta danse.

 

Tu dévales, en dansant ou en volant, tu ne sais pas exactement finalement,

Cette longue allée que tu avais l'habitude de prendre les nuits d'hiver,

En courant et criant pour fuir ton retard et tes larmes…

 

Mais aujourd'hui,

En cette soirée d'été,

Tu ne cours pas,

Tu ne cries pas,

Tu ne pleures plus,

Tu marches enfin a ton allure,

 

Tu n'es pas en retard, tu es pile à l'Heure.

 

La grande maison de voix ferrées annonce le nouvel arrivant,

 

Tes yeux s'écarquillent,

 

Deux amoureux s'embrassent,

Deux meilleurs amis se pardonnent,

Deux parents enlacent leurs enfants,

Deux frères et sœurs se taquinent,

 

Et puis,

Dans le fond de la gare,

J'entends une dernière fois une voix,

Qui crie après mon train,

Elle semble cassée par un égo et d'un orgueil, 

Elle semble devenir plus mélodieuse de sincérité et d'amour,

 

Elle est la plus belle chanson que je n'ai jamais entendu,

 

"Je t'aime". 

 

Lorraine FABRE, 17 ans,

Lycée de l'institut Emmanuel d'Alzon, Nîmes

 

 

 

 

 

 

Oppression

 

Est-il moralement acceptable que je vive, si elle est morte pour me le permettre. Les questions me hantent encore une fois.

Il fait chaud dans cette pièce. Une chaleur étouffante. Un brasier infernal se déchaine. Il fait chaud et sec et les murs se plaignent déjà. Le feu ardent me pénètre et m’anime. Mais c’est trop. Il faut fermer les portes. Et le feu s’enferme. L’obscurité s’installe progressivement. Rien ne bouge, tout est triste. Il y a juste cette cheminée qui réchauffe mon corps et dont les liserés orangés viennent éclairer faiblement les murs. Le feu est trop bien allumé. Mais maintenant j’ai peur. Le feu brûle toujours à l’intérieur.

Dans le tourbillon des pensées et des souvenirs, le bois crépite. Je me sens pris au piège. Emprisonné. Il fait de plus en plus froid et mes cris apeurés n’alertent personne. Je n’ai plus d’air, j’étouffe. Les murs se resserrent et me presse. Si je pleure c’est à l’intérieur pour apaiser les flammes. Il fait froid et sombre, et les murs ne sont jamais contents.

 

Tanguy SAVOYE, 18 ans,

Lycée Louis Feuillade, Lunel (34)

 

 

 

 

 

  

L'enfant temps

 

 

Le vent bat son échine courbée

La pluie gifle ses jambes maigrichonnes

Les branches fouettent sa peau laiteuse

La terre dévore ses pieds brulés

Le soleil consume son âme meurtrie

 

Les phalanges blanchies, les poings serrés

Le visage crispé par la peur et le temps

 

L'enfant cours

L'enfant cours dans la nuit

Poursuivi par le loup gris

Il fuit le temps, il fuit la nuit

Poursuivi par le loup gris

 

Au milieu des buissons épineux qui l'empêchent d'avancer

Sous un ciel obscur qui l'empêche de voir la nuit

 

Son souffle erratique comme seule compagnie

Il avance dans la nuit

Poursuivi par le loup gris

Il erre parmi nous

Poursuivi par le loup gris

 

Cet enfant pourtant par milliers

C'est toi, c'est nous, c'est moi

Cet enfant qui tente d'avancer

C'est eux, c'est nous, c'est lui

 

Pour cet enfant malheureux et blessé

Pourtant meurtrie et déchirée moi aussi

Parce que perdue et apeurée moi aussi

Je donnerais ma vie

 

Je lui donnerai mon âme, ma force et mon courage

Je lui tendrai la main, l'aiderai à se relever

Parce que nous sommes amis

 

Nous fuirons tous les deux et nous vaincrons le temps

Nous fuirons le loup gris

 

Tandis que vous soufflez larmes et vents du monde impie

Moi j'avance dans la nuit

Au coté de mon amis

 

 

Lily Pouget-Fernet

Lycée Emmanuel d'Alzon, Nîmes (30)

 

 

 

 

 

 

 

AVENTURE DE LA NATURE

 

Le règne de paix

Grand espace de l’empire du peuple vert,

Survolé par les oiseaux, libres conducteurs,

Du monde aérien où ils circulent plein de vigueur,

Sous le travail journalier des quadrupèdes ;

Tous ces êtres regorgeant de vie et de bonheur,

Traversant l’herbe en aller-retour durant des heures,

Plongés dans l’incontournable règne de la chaine alimentaire.

 

 

Des instants de feu

Dans cette quiétude sans pareil,

Quelque chose vient bouleverser les esprits ;

Un air chaud pénètre les vifs poitrails,

Et sort monsieur tout le monde de sa vie tiède ;

Pour fuir l’ennemi, en changeant de gouvernail,

Les animaux en ce temps tous pris de soucis,

Laissent place à l’incendie qui leur rend l’appareil.

 

 

Un désert de mort

Après le passage du grand feu,

La terre s’est couvert de son voile de deuil,

La terre devint un véritable désert,

Toute vie ayant disparu du paysage ;

Exposant un monde retourné à l’envers ;

Les animaux ont quitté les lieux sur le seuil,

De la grande pluie précédée de nuages bleu.

 

 

On se remet du drame

Matin au soir de virulents flots de cordes,

Gouttes rebondissantes sur le sol gris,

Frappe la terre dans ces bruits tonnant ;

La savane étendue tel une plage,

Repousse comme une brousse fixant,

Le haut par son pic en tri ;

De là, une belle scène se fait montre.

 

Le nouveau monde

La nature s’étend pris de ses émotions,

Le ciel enveloppé d’un doux manteau bleu,

Les arbres emmitouflés de feuillages,

Le sol repris sa couleur verdâtre,

Le sang de la savane enfin décore le paysage ;

Baisé par les rayons immaculés des cieux,

L’herbe qui refait sue farce de bonne tension.

 

 

 

La grande nature dévoile sa splendeur,

Nous émerveille au plus profond de nos cœurs,

Et nous amène à comprendre en même temps,

L’importance de sa protection en tout temps.

 

 

Kenneth Kpossou, 15 ans

Parakou, Bénin